Les
éditions Ganndal viennent d’honorer un de leurs auteurs, Saliou Bah. Récipiendaire
de la première édition du Prix
Marie-Paule Huet de
littérature de jeunesse lancé en 2022 par les éditions Ganndal, il a reçu un prix
de un million de francs guinéens accompagné
d’une attestation de reconnaissance de bons services rendus
qui ne récompensent pas seulement la densité de son œuvre, une œuvre
ne se mesure pas au nombre des titres publiés, mais sa richesse et
sa diversité.
Saliou
Bah est un écrivain de longue date. Passionné de cinéma il a
d’abord été attiré par les scénarios de films. Puis il s’est
essayé à la nouvelle dont certaines ont été publiées à la fin
des années 90.
Son
parcours professionnel l’a amené dans les bibliothèques où il
découvre la littérature de jeunesse qu’il n’avait jamais eu
l’occasion de lire lorsqu’il était enfant. Les rares livres
qu’il aurait pu lire à l’époque étaient deux recueils de
contes guinéens. C’est donc à l’âge adulte comme il nous l’a
confirmé qu’il a découvert la richesse de la littérature de
jeunesse. Il l’a lue et analysée sur son lieu de travail et au
cours de nombreuses formations. Il l’a pratiquée avec les enfants
qui fréquentaient la bibliothèque et il a vu ce qu’ils aimaient
et ce dont ils avaient besoin.
Père
de famille attentif à ses enfants, il les observe dans leurs jeux,
dans leurs réactions avec les copains du quartier, avec les frères
et sœurs, avec les parents. Il nourrit ses histoires de ses
expériences et de ses observations. Ce qu’il met en scène, ce ne
sont pas des situations parfaites ou idéales, mais ce que vivent les
enfants : leurs émotions, leurs contradictions, leurs peurs qui les
amènent à se confronter à l’autre, que ce soit l’ami , les
frères et sœurs ou les parents.
Ses
histoires sont des petits flashs de vie : le chagrin de la
séparation lorsque Papa s’absente (Le voyage de Papa), la
peur d’un chien qu’il faut surmonter pour rendre visite à une
petite amie à l’autre bout du quartier (Bobo a peur du chien),
la frustration quand Maman ne cède pas à un caprice (Bobo et le
cerf-volant). Des histoires courtes pour les petits mais qui
créent un véritable univers dans lequel n’importe quel enfant
peut se reconnaître et qui l’aident à mettre des mots sur des
sentiments qui le dépassent. L’enfant peut ainsi comprendre que
l’équilibre revient après des émotions intenses avec l’aide
des parents ou des adultes. Et c’est le grand art de cet auteur de
savoir donner leur place aux parents ou aux aînés dans la
résolution des conflits d’ordre psychologique.
Lorsqu’il
s’essaie aux romans pour les enfants du primaire, ce sont des
romans courts à dessein. Mais avec des situations riches, pas de
mots inutiles mais des actions qui entraînent le jeune lecteur dans
la lecture. Lam notre petit bout d’homme de 7 ans, en but aux
corrections maternelles, fugue. Si l’expérience ne dure guère plus
de deux jours, elle est assez riche pour que la maman revoie son attitude vis à vis de son fils. Quant à Lam, grâce à une vieille mendiante, il
va réfléchir et essayer de mieux se comporter. La situation
dramatique trouve sa résolution et l’équilibre revient à la fin
du livre. Lam l’enfant battu est un des livres qui a le plus
de succès, sans doute parce que l’éducation des enfants n’exclut
pas la violence. Elle est expliquée : la maman est trop jeune
et inexpérimentée elle ne comprend pas son enfant et fonctionne sur
de vieux adages qui ne sont plus opérationnels dans notre société
en mutation. Mais ce que montre l’auteur avant tout, c’est que
quelle que soit la situation on peut résoudre les conflits ou les
difficultés.
Dans
Penda la sorcière, Bah s’attaque aux préjugés qui ont
vite fait de condamner les gens dès lors qu’on ne les comprend pas
ou qu’ils soient un peu étranges ou étrangers. Mais là encore
l’explication tombera et on comprendra.
Quand
il s’adresse aux jeunes adultes ou aux grands adolescents, Bah nous
entraîne dans son imaginaire. Il adore le fantastique que ce soit en
littérature ou au cinéma. Et Bono Waylo, l’homme hyène
relève de cet univers. Référence aux croyances anciennes ou
véritable roman fantastique, peu importe, la vie tranquille d’un
village est déséquilibrée par l’apparition de hyènes qui
dévorent les troupeaux. On a tôt fait de comprendre que c’est un
jeune du village qui est à l’origine de ces catastrophes. Mais
comment lui rendre sa forme humaine et que va-t-on découvrir
derrière cette métamorphose ?
On
le voit, un imaginaire riche et sensible et une palette d’écriture
assez vaste pour satisfaire un public large. C’est cette richesse
et cette sensibilité, cette finesse dans l’analyse qui nous ont amenés à mettre en avant le talent de Saliou Bah en mettant tout en
œuvre pendant cette année qui lui sera consacrée pour lui faire
rencontrer le maximum de lecteurs.
Apprécié en Guinée, il est aussi reconnu à l'étranger : il a colaboré à la revue Planète Enfants et ses livres sont de nos jours lus et exploités dans de nombreuses écoles primaires et bibliothèques publiques du Bénin, du Burkina Faso, de Guinée, du Mali, de Madagascar, du Niger, pour ne citer que ceux-là.
Nous souhaitons bon vent « littéraire » à
Saliou Bah, et attendons avec impatience ses nouveaux projets.